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Turbulences

Mise à jour le 26/06/2017
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ENTHOUSIASMANTES " TURBULENCES ! "

UN CHAPITEAU AU COEUR DU MONDE

Le chapiteau de l'association « Turbulences ! », au 222 de la rue de Courcelles, porte de Champerret, dans le 17ème arrondissement, est le théâtre d'une formidable conquête : celle de jeunes gens et d'adultes autistes - les travailleurs « Turbulents » - qui accueillent le public pour des rencontres festives et entrent de plain-pied dans le champ des pratiques sociales, de la convivialité.

Deux beaux chapiteaux, côte à côte, presque jumeaux, pareils à des yourtes, sont posés porte de Champerret comme les jalons d'une tardive reconnaissance : l'i nsertion nécessaire des jeunes autistes adultes dans la cité. Inaugurés le 12 mai dernier par la cantatrice Nathalie Dessay et Howard Buten, notamment, les deux chapiteaux constituent une avancée considérable dans l'approche de l'autisme. Gilles Roland-Manuel, psychiatre et médecin directeur de l'hôpital de jour d'Antony, a résumé le projet initié par Philippe Duban. « Turbulences ! ne propose pas d'activité psychothérapique, souligne-t-il, mais une démarche artistique. Une rencontre avec des professionnels de la scène et aussi un véritable public. Festival d' Avignon, Théâtre du Châtelet : on est loin des cadres « obligés » de la cafétéria d'asile et du préau d'école. » Le médecin psychiatre invite les indifférents à regarder, sans gêne, sans préjugé, cette énigme troublante de l'autisme : « Lorsqu'on parle de soigner ces patients, on devrait aussi penser à soigner l'opinion publique. Or Turbulences ! est une bonne thérapeutique pour le public : voir ces jeunes gens sur scène, c'e st toujours un choc sérieux. Mais une confrontation bénéfique. »

La même planète

L'idée de l'association Turbulences ! est née, il y a quinze ans, dans le cadre d'un hôpital de jour du 15ème arrondissement de Paris, de la rencontre de l'écrivain Howard Buten, auteur de « Quand j'avais cinq ans je m'ai tué », docteur en psychologie clinique et clown sous le bonnet de Buffo, et de Philippe Duban. Aujourd'hui président de l'association, Howard Buten, quand il ne s'applique pas le nez rouge de Buffo, exerce la fonction de directeur du Centre Adam Shelton, Institut Médico-Educatif créé en Seine Saint-Denis en 1996. Il a consacré, chez Gallimard Jeunesse, un livre remarquable sur cette question : « Ces enfants qui ne viennent pas d'une autre planète : les autistes ». Son expérience auprès de ceux qu'il aime, ceux qu'il appelle les « enfants-cris », les « enfants-différence », lui a permis de discerner les clés de ces comportements souvent déroutants. « Les enfants autistes que j'ai rencontrés, a écrit Howard Buten, j'ai pensé qu'ils avaient une culture à eux. Qu'ils chantonnaient une musique à eux, qu'ils faisaient des bruits et c'é tait leur langue à eux, qu'ils se balançaient et c'était leur danse à eux. Bizarre quoi, un peu comme s'ils venaient d'un autre pays - et même d'une autre planète. Mais justement non, ce qui est bien, c' est qu'ils sont de chez nous. On les a sous la main. Ils ont forcément plein de choses à nous apprendre, même quand ce qu'ils font nous effare. Faut savoir en profiter. »

Le travail d'insertion

Turbulences ! soutient toute initiative susceptible de permettre à des personnes présentant des troubles majeurs de la communication - notamment l'autisme et les troubles apparentés - de mieux s'insérer dans la collectivité. « Nous voulons ouvrir ces jeunes à la vie sociale, explique Philippe Duban, metteur en scène et diplômé en psychologie clinique. C'est ainsi qu'on peut contribuer à modifier le regard porté sur la maladie mentale, à sensibiliser nos contemporains aux projets d'intégration en faveur des personnes qui souffrent d'un handicap. » Espace de rencontres thématiques, d'échanges de pratiques, de sessions de formation et d'insertions habilitées, le chapiteau Turbulences ! accueille de jeunes adultes souffrant d'a utisme ou de troubles apparentés qui viennent des hôpitaux de jour de Paris et de la région parisienne, d'Instituts Médico-Educatif - IME -, de foyers, d'Etablissements et Services d'Aides par le Travail - ESAT - ou, quelquefois, des jeunes gens qui n'ont pas trouvé de place dans une structure. Ici, ils accomplissent un vrai travail de création, s'immergent dans une activité régulière et participent collectivement à un projet ambitieux. « Les ateliers, encadrés par des professionnels, sont destinés à une préparation globale de l'acteur et des créations publiques», note Philippe Duban

Maîtrise de la concentration

Le travail théâtral passe par l'i mprovisation, les jeux de rôle et la découverte des textes de poètes, de dramaturges. « Le travail vocal sur les chants des pays du monde, qui n'i mposent pas une connaissance du solfège, sont aussi un moyen d'e xplorer les origines culturelles des jeunes gens, de les mettre en résonance avec leur histoire familiale », indique Philippe Duban. A travers ces apprentissages et des exercices corporels, comme le taï-chi ou la capoeira brésilienne, les jeunes adultes développent leur aptitude au jeu, à la relation, à la communication, voire à l'écoute par l'expérience positive de l'a utre. « Ils maîtrisent progressivement leur concentration, la puissance du rythme et prennent conscience de leur corps, assure Philippe Duban. Ce lien devient une véritable passerelle entre eux, crée un langage scénique. Pour le chapiteau, dans cet esprit de représentation, nous avons privilégié un grand espace de piste. »
L'activité de Turbulences !, comme tous les théâtres ou les organisations de spectacle, se partage entre le travail quotidien et la programmation publique. « C'est un travail lent et difficile, reconnaît Philippe Duban, car les jeunes ne mémorisent pas le texte et ne se situent pas dans l'espace. Mais ce qui est extraordinaire, c'est d'aboutir à de vrais spectacles, sensibles, puissants. Nous avons monté une soirée à Jailly, un village de la Nièvre, autour d'un mariage symbolique. Le personnage central était un trimardeur, déjà un vecteur de la transmission culturelle. Un passeur, en somme, un colporteur, un chemineau. Comme nos jeunes gens… Nous avons aussi créé un chœur polyphonique. »
Actuellement, une quinzaine de jeunes viennent travailler tous les jours sous le chapiteau. Leur horizon, désormais, dépasse les frontières françaises : la Russie, le Liban. « Nous allons tous les ans dans la région de Saint-Pétersbourg et préparons un spectacle sur Tchékhov. » Médecins et psychologues sont unanimes à saluer l'initiative de Philippe Duban. « Comment ne pas être frappé par cette capacité inattendue de création chez ces adolescents si troublés, si décalés ou mutiques », a déclaré le professeur Assouline, médecin directeur de l'hôpital de jour Santos-
Dumont, dans le 15ème arrondissement. Pour le responsable de Turbulences ! , le théâtre n' a de sens qu'impliqué dans la vie sociale : « Turbulences ! est un langage, une poétique du lien par la sphère culturelle. Une recherche de sens aux enfermements divers dans des pathologies, des conduites asociales, des certitudes, des clichés, des habitudes…Turbulences ! c'est un voyage amarré au milieu des êtres et des choses… »
« Aucun cerveau n'est une île », assure l'écrivain Paul Broks. « Turbulences ! » en apporte la démonstration chaque jour.
Texte Lucien Maillard

Photos Philippe Muraro

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